Comment expliquer les ressemblances troublantes que l'on observe entre des mythes dont l'aire de répartition fait parfois le tour de la Terre, alors même que les populations auprès desquelles ils ont été recueillis, distantes dans l'espace ou dans le temps, n'ont pu se côtoyer ? Se pourrait-il que cet air de famille relève non de convergences fortuites mais de véritables liens de parenté unissant des récits transmis de génération en génération au fil du peuplement humain de la planète ? En empruntant aux biologistes de l'évolution leurs méthodes statistiques de classification des espèces du vivant sous forme d'arbres phylogénétiques, cet ouvrage novateur entreprend d'étayer de manière rigoureuse une intuition fondatrice de la mythologie comparée. De Polyphème à la Femme-Oiseau et à la Ménagère mystérieuse, en passant par le Plongeon cosmogonique, le Soleil volé et les mythes de matriarchie primitive, Julien d'Huy montre comment des récits apparemment disjoints les uns des autres se ramifient autour de troncs communs, qui s'enracinent dans les profondeurs de la Préhistoire. Suivant leur évolution, ponctuée d'altérations, d'emprunts et d'oublis, au gré des pérégrinations de notre espèce, il retrace la généalogie de grandes familles de mythes qui se sont propagées depuis des temps immémoriaux. Mais la reconstitution de ce processus de transmission d'un patrimoine mythologique ouvre une perspective plus vertigineuse encore : reconstruire les protorécits dont les versions documentées sont issues ; autrement dit, faire à nouveau résonner les premiers mythes de l'humanité et appréhender la vision à travers laquelle nos lointains ancêtres donnaient sens au monde qui était le leur.